LES MARNES DU SUD-EST DE LA FRANCE

LES MARNES

     Constituées d’argile, de calcaire et de schiste, elles peuvent contenir jusqu’à 65% d’argile (marnes argileuses), si le calcaire domine, on parle de calcaires argileux.

     Ces marnes se sont formées au fond de la mer, pendant  le Secondaire. Pendant des millions d’années se sont  accumulées des centaines de mètres d’épaisseur de sédiments.

     Leur couleur varie du noir au bleuté, en passant par les gris, voire le jaunâtre, à la suite d’altération.

     Elles forment des sols très sensibles à l’érosion, des reliefs ravinés que parcourent des rus intermittents.

     Ces marnes peu représentées en Ardèche, Isère ou Vaucluse, occupent de vastes espaces dans la Drôme , les Alpes-de-Haute-Provence ou les Hautes-Alpes.

     Les marnes riches en calcaire sont utilisées pour la fabrication de chaux et de ciments.

LEUR ORIGINE

     Elles remontent à l’Ere Secondaire (de - 235 à - 65 millions d’années).

     Au TRIAS, début du SECONDAIRE, la mer envahit progressivement la Drôme et l’est de l’Ardèche.

     Au Jurassique, milieu du Secondaire,  la mer recouvre la Drôme , l’est et le sud de l’Ardèche. Le Massif Central forme une île dont le rivage se trouve entre Annonay et Vienne. Des dépôts marins de calcaires et marnes gris, visibles en Ardèche entre La Voulte et Rompon,  ont livré de nombreux fossiles du Callovien présentés par le Musée de La Voulte.

     Au Jurassique supérieur, à l’emplacement des Alpes s’étale un océan. Une fosse profonde de 4000 mètres occupe le Diois et les Baronnies (fosse vocontienne). De grandes épaisseurs de sédiments fossilifères se déposent et donneront les marnes que l’on appelle "Terres Noires" aujourd’hui. En Ardèche, sur la  plate-forme continentale, ces marnes  affleurent entre La Voulte et Privas ainsi que dans la montagne de Crussol.

     Au Crétacé, Diois et Baronnies sont sous 3000 mètres d’eau. Des marnes et calcaires gris bleus se déposent en bancs réguliers. En Ardèche ces terrains affleurent aux alentours de Saint-Jean-le-Centenier et Berrias, en Drôme,  vers  Buis-les-Baronnies, Bézaudun-sur-Bine, Chalancon, Crupies, Saillans. Le climat est tropical car notre plaque se trouve 1000 kilomètres plus au sud.  Dans des zones peu profondes se forment des récifs coraliens qui donneront d’épaisses barres de calcaire Urgonien formant les escarpements des Gorges de l’Ardèche, du Vercors et du Ventoux.

     Au Crétacé supérieur, la Provence et le Massif Central sont déformés et soulevés par de colossales poussées venues du sud. La plaque portant l’Espagne entre en collision avec celle portant la France , formant les Pyrénées. Les fonds marins émergent en Provence, la plate-forme sud ardéchoise sort des eaux.

     La fin du Crétacé voit le soulèvement puis le plissement de la fosse vocontienne par suite du rapprochement des plaques africaine et européenne. Les empilements de roches sédimentaires qui se sont déposées pendant des millions d’années se transforment en plis est-ouest du Diois et des Baronnies, les Alpes s’élèvent, des zones s’effondrent à la suite de failles. A la fin du Secondaire, la Drôme et l’Ardèche sèchent au  soleil.

       

COMPLEMENT D’INFORMATIONS

     ERE TERTIAIRE (de -65 à -1,8 millions d’années)

          A la fin du Tertiaire, au Miocène ( il y a environ 20 millions d’années) la mer occupe le sillon rhôdanien.

     Des éruptions volcaniques se produisent (Gerbier de Jonc, Mézenc, Coiron). Dans la Drôme , la mer n’occupe plus que le Tricastin, les bassins de Montélimar, Crest et Valence. Il se forme dans cette mer des couches de molasse (grès calcaires) appelée à tort "marne" par les  habitants de la Drôme des collines. Pour un géologue une marne est une argile. A la fin du Miocène, le Vercors et les Préalpes drômoises sont de nouveau plissés et faillés par des pressions  qui soulèvent les Alpes. La mer recule, laissant dans le nord de la Drôme d’importantes couches de sédiments.     

     Sous les sables molassiques du Miocène, épais de plusieurs centaines de mètres (520m à Montchenu, 350m à Claveyson), les sondages ont révélé une épaisseur encore plus importante d’argiles marneuses renfermant des couches de sel gemme de l’Oligocène. Par dissolution de ce sel, "Gaz de France"   a fabriqué 14  cavités servant au stockage de 440 millions de m3 de gaz naturel, représentant 5 milliards de kWh. Les réservoirs de Tersanne (26) se trouvent entre 1400  et 1600 mètres de profondeur, dans une couche de sel très pur.

      Au Pliocène, il y a 5 millions d’années, un bras de mer occupe   la future vallée du Rhône, large fossé d’effondrement entre des failles. La mer ne dépasse pas Montélimar, Livron et Crest. Les Alpes sont achevées, les vallées du Rhône, de  l’Ardèche et de la Drôme se creusent tandis que la mer se retire en Camargue.

FOSSILES ET MINERAUX DES MARNES

     Les marnes du Secondaire présentent des niveaux  fossilifères quel que soit l’étage.

     Dans des marnes du Callovien ardéchois Bernard Riou a découvert de remarquables fossiles parmi lesquels des poissons, ophiures, étoiles de mer, calmars, crevettes, la plus vieille pieuvre du monde remontant à 155 millions d’années, fossiles visibles au Musée de Paléontologie de La Voulte.

     Dans l’Oxfordien on trouve des ammonites (dans ou sur les nodules) parfois accompagnées de minéraux : quartz, calcite, ankérite, dolomite, ou cristallisées à l’intérieur.

     Dans les septarias du Callovien et de l’Oxfordien, on trouve des minéraux cristallisés.

     Au Jurassique supérieur se sont formés des amas ou filons de plomb, zinc, hématite, pyrite incluant parfois bournonite, boulangérite et cuivre...

     Dans les marnes du Crétacé (Valanginien - Aptien) on trouve de nombreuses  bélemnites et ammonites pyriteuses (transformées en fer).

     Dessins de Cornes d’Ammon pyriteuses (ammonites) - 1782 - J.E. Guettard

     Dans les marnes de l’Albien et de l’Aptien, des niveaux alignent des nodules contenant des aiguilles de baryte.

     Des veines et filons de calcite sillonnent les marnes du Crétacé recelant de la marcasite et du gypse.

 

SEPTARIAS ET AUTRES NODULES

     Par "Septaria" on entend un nodule calcaire en forme de boule plus ou moins aplatie contenant des  minéraux cristallisés. On trouve également des minéralisations dans des concrétions de forme cylindrique appelées "poudingues". Leur origine remonte au Jurassique. 

     Ces nodules se sont formés dans les vases putrides des fonds marins,  autour de restes organiques propices à l’évolution de bactéries anaérobies (capables de se développer dans un milieu dépourvu d’air ou d’oxygène en  produisant  de l’ammoniac). Mélangée à l’eau de mer, l’ammoniaque a provoqué la précipitation des carbonates dans et autour des colonies. Avec le temps, l’enrobement calcaire de plus en plus compact est devenu étanche, étouffant les bactéries et signant l’arrêt de croissance du nodule. Le  contenu composé de restes de bactéries, de matière organique, de limon, de carbonates, d’eau de mer gorgée d’hydrogène sulfuré, a subi une réorganisation. Les matières solides se sont agglomérées en laissant des fentes de retrait. En précipitant, le bicarbonate de calcium a  donné de la calcite imprégnée d’hydrocarbures qui a recouvert les parois.

     Le poids croissant des sédiments a aplati les concrétions.

     Il y a environ 20 millions d’années, lors de la surrection des Alpes, des poussées latérales compriment et déplacent les marnes malléables, entraînant de nouvelles fractures de nodules. Des solutions aqueuses contenues dans les marnes pénètrent dans les nodules fracturés avant cicatrisation. De nouveaux minéraux vont pouvoir se déposer sur une calcite brune ou noire de première génération, le magnésium donnant de la dolomite, la silice du quartz...

     Une trentaine de minéraux peuvent être trouvés dans les septarias. Les plus fréquents étant:la calcite, le quartz, l’ankérite, la dolomite, la célestine, la baryte, la pyrite, l’aragonite... Des minéraux organiques plus rares comme la whewellite et des hydrocarbures complètent la paragénèse.  

     Dans les marnes de l’Albien et de l’Aptien (Crétacé), se sont formés des nodules barytiques dont le coeur est constitué d’aiguilles de baryte.

     Sur des millions de nodules, quelques uns sont minéralisés, parfois de façon exceptionnelle. Certains secteurs du Jurassique sont relativement  riches en septarias. Les "diamants de la Drôme " célèbres dans le monde minéralogiste se trouvaient à Rémuzat (26), le top étant l’association de quartz/ammonite recouverte de calcite noire, voire de cristaux de dolomite ou d’ankérite. Ces quartz d’une grande pureté pouvaient atteindre quatre centimètres et présenter divers types de cristallisation ou de teinte: quartz alpin, maclé, bipyramidé, fenêtre, sceptre, citadelle, fantôme, étoile, citrin, fumé... certains possédant des inclusions fluides aqueuses ou d’hydrocarbure, sous forme gazeuse ou liquide. Malheureusement, les recherches sont actuellement interdites sur ce site à la suite de la mort du propriétaire, notre ami Reymond Laget. A nous de prospecter pour découvrir d’autres merveilles!

       Dessins d’une géode calcaire des environs de Die et des cristaux de roche contenus - J.E. Guettard, minéralogiste - 1782

                   Références : publications de R. Martin, R. Oddou, et D.Ratz

                                               Michel Brouty
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